vendredi 20 décembre 2013

Théâtre de l'Est Parisien : Chronique d'une mort annoncée 7

J'ai traité précédemment de l'aventure qu'a constitué l'écriture et la représentation du montage collectif "Mal de mer sur terre ferme" au TEP en 1993-1994.
J'ai évoqué au passage le contexte dans lequel elle se déroulait : la mise à mort annoncée par les "pouvoirs publiques" du Théâtre de l'Est Parisien tel que l'avait conçu Guy Rétoré. Avant d'y revenir, deux mots sur la fin de notre aventure TEPienne. Le rideau tombé (c'est un cliché, il n'y avait bien entendu pas de rideau), tout était réuni pour un adieu définitif. 
Il y eu pourtant trois rappels. Sans entrer dans les détails, entre autre à cause de l'absence de documents ou iconographies exploitables (si certains en ont… ne les gardez pas pour vous), je soulignerai ce qui a pu influer sur nos trajectoires.

1. Premier rappel : rentrée 1994
Tout était fini… sauf une possibilité de prolongement jusqu'à la fin de l'année. On peut y voir au moins deux causes :
- Michel Azama, qui avait rejoint le groupe des "encadrants" en cours de route, était encore en résidence pour plusieurs mois. Je suppose que cette résidence impliquait un travail d'écriture au travers d'échanges avec une partie des anciens de "Mal de mer".
- La crise de succession approchant, Réto tentait de constituer autour de lui des cercles de "fidèles" pouvant former des groupes de pression.

Point fort de ce rappel : l'importance accordée à l'écriture. L'absence de perspective donnait sans doute à Michel Azama une liberté d'intervention qu'il n'aurait pas eu dans un autre contexte. Les notes que j'ai gardé donnent un faible idée des thèmes abordés. L'usage pouvant être fait du matériau : du rassemblement, à sa scrutation et à son traitement. L'intérêt de l'élargissement mythologique. Etc. Nouvelle aventure… nouvelle fin !

2. Deuxième rappel : rentrée 1995
Cette fois c'est dans le cadre de la manifestation "Le temps des livres" que se présentait la possibilité de se retrouver dans (je cite) : un théâtre "hors les murs" qui expérimente une nouvelle façon de jouer et de dire (lire : théâtre en appartement). L'aventure, titrée "Les mots de l'histoire", se déroulait sous la direction de Jacques Hadjaje. Timing : environ un mois pour rassembler le matériau, apprendre les textes et répéter. Trois groupes présentaient le même spectacle en "alternance" dans des lieux différents. Les spectateurs du TEP étaient invités soit à proposer de recevoir le spectacle chez eux, soit à venir louer une place (c'était payant) au guichet où on leur donnait l'adresse de l'appartement où ils devraient se rendre.
En l'absence d'une direction psycho-rigide, nous avions eu la possibilité de constituer les groupes assez librement. En conséquence nous nous retrouvions dans un groupe "affinitaire" partageant une vision proche (exigence dans le travail, expérimentation d'une forme de jeu que nous n'avions pas pratiquée auparavant,….).


Point fort : la découverte du théâtre en appartement, du jeu de proximité, débouchant pour certains sur le désir d'explorer plus avant cette petite forme théâtrale (ce fût notre cas, ou celui d'autres compagnons de théâtre réunis autour de Pascal Dereudre). Ce désir ne correspondait pas nécessairement avec la vision de la direction du TEP. C'est une autre histoire !

3. Troisième rappel : rentrée 1996
A nouveau Le Temps des Livres, avec un projet semblable au précédent, également sous la responsabilité de Jacques Hadjaje. Cette fois-ci le thème est "Le théâtre dans le théâtre". Les représentations n'ont plus lieu en appartement, mais dans des locaux associatifs. Par rapport à l'année précédente, Réto est plus présent. On ressent une volonté de prendre les choses en mains, de contrer ce qui pourrait ressembler à un jeu de comédien (opposé à une spontanéité, voir une naïveté, illusoire et idéologique). Ceci conduira vite à des oppositions verbales ou écrites, la dernière représentation se passant dans une ambiance tendue.


Fin de l'aventure, mais pas du compagnonnage avec le TEP. Comme je l'ai déjà souligné dans cette dernière phase Réto recherche des soutiens qui lui permettraient d'imposer un successeur qui ne vienne pas pour brader la maison avant de passer à autre chose.

Ceci prend en particulier deux formes.

1- La constitution d'un illusoire "conseil des spectateurs" (spontanément suscité par Réto), qui ne fonctionnera jamais en tant que "groupe de pression". Nous prendrons l'initiative de l'utiliser pour faire venir André Degaine (avec qui nous étions en contact par ailleurs) avec sa conférence sur l'Histoire du Théâtre.

2- Un certain repliement sur le cercle des "copains de Réto", en ce qui concerne la programmation. Malgré quelques moments forts (comme la venue de Jean-Luc Lagarce) ceci ne se fait pas toujours au bénéfice de la qualité. Progressivement, les spectateurs tendent à se raréfier. Ceci n'empêche pas de passer encore quelques bonnes soirées, après les spectacles, où Réto sort sa cuvée spéciale.

Nous resterons des spectateurs fidèles jusqu'au bout (juillet 2001), mais notre vie théâtrale se déroule alors ailleurs. Après l'arrivée de Catherine Anne comme directrice (imposée par le pouvoir), nous tenterons de continuer à fréquenter le théâtre. La programmation n'y était ni franchement bonne, ni franchement mauvaise, avec un large part consacrée au "théâtre pour la jeunesse". Ayant de plus en plus le sentiment de nous trouver confrontés à une coquille vide, désertée par ce qui avait fait l'esprit du TEP (et par son personnel du temps de Réto qui abandonnait le navire aussitôt qu'une possibilité se présentait), nous préférerons finalement ne pas y retourner.

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